Ces derniers temps, j’avais le profil du gars le plus troublé de la terre, et si les gens autour de moi étaient au courant des raisons pour lesquelles j’étais si troublé, ils me donneraient raison. Depuis six ans déjà, je suis habitué à ce que rien n’aille comme il le faut. Alors que j’avais repris une vie pour le moins normale, j’espérais que ça allait continuer, mais non, les apparences sont troublantes. Mais depuis six ans, je me débrouille entièrement seul, et ça continuera. Je n’ai pas besoin des autres pour m’aider ou encore me guider. Pas même de ma meilleure amie, Jude, qui essaye par tous les moyens possibles de me raisonner en m’écartant d’Autumn. Evidemment, elle est très mignonne quand elle agit comme ça, quand elle fait sa petite buttée, mais je suis borné et ça aussi, elle le sait. En bref, j’avais mon destin entre les mains et à moi seul de décider ce qu’il en serait. Alors que j’étais parti faire un tour en voiture me dirigeant n’importe où sur les routes du Nevada pour m’écarter de tout ça et réfléchir, la réalité m’avait rattrapé de plein fouet. Je m’étais mis sur le bas côté pour prendre l’appel d’Autumn. Elle me demandait des conseils sur sa reprise de relation avec Pedro. J’avais dans un premier temps été ahuri par cette nouvelle, et puis troublé qu’elle fasse appel à moi pour ça. Si j’avais pu, je lui aurais dis que Pedro avait déjà prévu de sortir avec Venizia par la suite. C’est bien connu, Pedro sort avec toutes les filles un minimum potables du coin. Et puis, j’aurais très bien pu lui cracher mon venin à la gueule en lui disant que je ne voulais pas de ça, parce que moi aussi, je voulais d’elle. Mais les circonstances m’en empêchaient. Je ne pouvais pas tout balancer comme ça sans y avoir réfléchi au moins un peu. Et étrangement, lors de ce coup de fil, je crois que c’est mon côté frère protecteur qui est ressorti. Tout naturellement je lui ai dit que moi je ne le ferais pas mais que si elle sentait qu’elle devait le faire, alors elle devait le faire, et que si ça se passait mal, je serais là, les bras grands ouverts pour la consoler. Pathétique, je sais ! Et pourtant, c’est bel et bien ce que je lui ai dit. Depuis que je sais que je suis son jumeau, je ne me sens plus en droit de lui mettre des bâtons dans les roues dans ses relations avec les autres gars. Et puis je crois que ce sera plus facile pour moi si elle part avec un autre et que je me fais une raison. Evidemment, ça prendra du temps, et je serai surement déçu des circonstances. Mais tout serait plus facile comme ça. Je ne serais alors plus qu’un ami. Pas même quelqu’un à qui elle tient fortement comme elle me l’avait dit la veille. Et je pourrais garder ce statut, sans même lui révéler l’existence de son jumeau. Et c’était moi, l’amoureux transit qui disait ça ? Il fallait vraiment que je me réveille !

Comme prévu, j’avais rendez-vous avec elle au Mc Do à dix-huit heures. Bien qu’à peine quelques minutes avant je me trouvais à des kilomètres de là, ça ne m’empêcha pas d‘être là à l’heure. Et puis c’est bien connu, ça fait longtemps que je ne respecte plus les limitations de vitesse. Autumn et moi, nous n’étions pas vraiment du genre resto, à devoir attendre des heures rien que pour l’entrée et à devoir se regarder les yeux dans les yeux en attendant que le temps passe. Non, les fast-food, c’était bien plus pratique pour nous. La mal bouffe, on ne la pratiquait pas souvent, mais ça arrivait de temps en temps quand même. Et quand ça arrive, c’est un vrai spectacle. Je vous assure, il faut nous voir. On parle la bouche pleine, on se bourre la bouche à mort, on enfourne tout à la suite de l’autre et après ça, il ne reste pas une miette sur nos plateaux, et puis de toute manière, il y a toujours l’un pour terminer le repas de l’autre. C’est cette facilité et cette convivialité qui nous plaisait le plus. Pas besoin de se mettre un masque de la haute société ou autre. Nous étions nous même et ça nous convenait parfaitement. Nous y passâmes une bonne heure avant de retourner en vitesse par chez nous pour nous habiller en circonstances. Même de nos jours, on n’arrivait pas habillé n’importe comment dans un endroit pareil. Mais n’ayant pas vraiment pour habitude de porter un costard cravate, je revêtis un simple jean uni, ainsi qu’une chemise de couleur beige. Enfin vêtus, nous nous rendîmes au casino le plus chic de la ville, mais aussi le plus fréquenté. Je ne savais pas ce qui allait nous attendre ce soir mais j’adorais ne pas savoir. Remettant ma voiture à l’entrée du parking, je m’approchai d’Autumn en lui proposant mon bras « Mademoiselle, si vous voulez bien me faire l’honneur » lui dis-je en souriant. Je jouais au gars que je n’étais pas, mais j’étais certain que ça n’allait pas durer. Entrant dans le casino, et émerveillé comme toujours par le splendeur des lieux, je lâchai un simple « Nous y voilà ».

Elle était sublime dans sa robe noire, et je n’avais aucune idée de la manière dont j’allais arriver à détacher mes yeux d’une splendeur pareille à celle-ci. Elle était parfaite, sous toutes les formes, autant pour sa coiffure que pour sa tenue. Mais ce qui embellissait le tout, c’était ce sourire qui laissait apparaitre par moment ses dents parfaitement blanches et éclatantes. Pendant tout le trajet nous avions parlé et rigolé et bien que j’aie tenu la conversation, j’étais complètement hypnotisé par elle, comme tous ses faits et gestes passaient au ralenti. J’étais transit, spectateur de sa beauté rayonnante. Et c’était ça, si je devais la comparer à quelque chose, et bien elle était mon soleil, celle qui m’éclairait de jour comme de nuit et celle qui était mon centre d’attraction. Je tournais autour d’elle de manière régulière sans jamais pouvoir m’en approcher. Le fait qu’elle soit mon centre d’attraction n’est pas très étonnant étant donné que c’est ma sœur jumelle. Savoir ça m’a permis d’en savoir plus sur d’autres choses pour lesquelles je me posais des questions comme par exemple : comment ça se fait que je le sens quand elle est triste ? pourquoi est-ce que j’ai toujours ce besoin d’aller la voir et de la consoler ? pourquoi est-ce que je suis si protecteur ? pourquoi est-ce que quand elle rayonne comme ça, je me sens aussi beaucoup mieux ? J’ai enfin trouvé les réponses. J’avais déjà entendu ça, comme quoi des jumeaux étaient beaucoup plus liés que des frères et sœurs « normaux » et j’y croyais maintenant. Nous sommes liés, qu’on le veuille ou non.

Enfin entrés dans l’établissement, nous échangeâmes notre argent contre des jetons. Je n’étais pas un fou du jeu, voilà pourquoi je ne prenais jamais des sommes astronomiques. Pour moi, le strict minimum suffisait, de manière à ne pas trop être déçu si je perdais tout ou encore mieux, de bien me réjouir au cas où je repartirais avec plus que je n’avais emporté. Pour ce soir, je ne savais absolument pas ce qui nous attendait, ni même par quoi nous allions commencer. Enfin cette question ne se posa pas longuement étant donné qu’elle arrivait vers moi en sautillant comme une petite fille. Me tournant pour me communiquer sa pensée, mon regard était désormais porté sur une table où on jouait au poker. « Tu me montres ton talent et je te porte chance. » J’aurais pu le parier. Qui va au casino sans même jouer au poker ? Ou même y porter un œil intéressant ? Pas grand monde à mon avis, et c’est vrai, j’aurais pu le prévoir qu’elle me demanderait ça. « Ou non. » Tout d’un coup, ça me plaisait mieux, parce que j’avais vraiment bien regardé à cette table et les personnes qui s’y trouvaient ne me portaient pas vraiment confiance. C’était des types du genre gros casseurs de la mafia, enfin vous voyez le genre … Mais très vite, décidée, elle m’attira jusqu’à un tabouret et m’y fit asseoir en me suppliant délicieusement d’un mot doux à l’oreille. Je tournai la tête en sa direction, levant un sourcil « T’es sérieuse ? » quelle bête question ! D’ailleurs je n’y attendais pas vraiment de réponse. Elle devait surement se demander si j’allais fuir la table, ou bien tenter le coup pour lui faire plaisir. Seulement elle ne savait certainement pas que je savais jouer et que j’en avais plumé plus d’un. D’ailleurs il m’arrivait encore de venir ici, bien que je ne mise jamais gros et qu’une fois gagné, je m’en allais avec les jetons remportés, j’échangeais le tout et je rentrais chez moi. Je ne dirais donc pas que je suis un habitué des lieux, mais disons que certains me connaissent. « Tu ne vas pas être déçue. » lui dis-je à mon tour à l’oreille avant de lui faire un clin d’œil et de me retourner vers la table. « Mr Heathlay, désirez-vous jouer ce soir ? » me demanda ‘un des employés du casino. Pour toute réponse, je lui fis un signe de tête et il commença à distribuer les cartes aux joueurs. Intérieurement, j’espérais qu’elle n’ait pas relevé le fait que cet employé m’avait appelé par mon nom et que du coup, il devait me connaitre. Et puis même si elle l’avait remarqué, tout ce que j’espérais, c’était qu’elle s’y fasse aucune remarque.

La partie dura de longues minutes, les personnes autour de moi étant toujours très hésitantes et mettant un temps fou à se décider. Moi je jouais comme si j’étais sur un terrain de jeu, sur de mes coups, mais aussi méfiant à certains moments. La partie en était à sa fin. Et cette fois-ci, je dois avouer que je ne savais pas quoi faire. Hésitant, je portai alors un regard à Autumn, essayant de voir si elle m’encourageait à continuer ou non. Toute la partie elle était restée silencieuse et avait observé le tout, elle seule pouvait avoir un regard objectif sur la chose.