Cette nuit, j’avais dormi comme un gros bébé. Ce qui, il faut l’avouer, n’arrive que très rarement ces derniers temps. Mes insomnies ont commencées il y a quelques semaines, quand j’ai enfin découvert la vérité sur ma vraie famille. Voilà pourquoi je me réjouissais désormais des matins comme celui-ci où je me rendais compte que j’avais enfin bien dormi. Mais je ne me réjouissais pas trop vite, parce que je savais que des nuits comme celle-ci n’arrivaient qu’une semaine sur deux, un jour seulement. Alors pas la peine de m’emballer, j’étais pleinement conscient que ces nuits pénibles allaient repartir de plus belle dès demain. Encore dans mon lit, blotti entre deux oreillés et sous mon duvet chaud dans mon lit beaucoup trop grand pour une ou même deux personne, je l’étirai de tous les côtés avant d’enfin poser le pied à terre et de me diriger vers ma salle de bain. Pour moi, l’hygiène passait avant mon estomac. Et puis même en ayant une cuisine dix fois trop grande, je ne prenais jamais mon petit déjeuner chez moi, ayant pour habitude de toujours me rendre au starbuck qui se trouvait à peine à trois rues plus loin. Une fois que ma douche fut prise et que je fus habillé, je fermai mon appartement à clé et je marchai en direction de ce café célèbre. En chemin, je croisai la route d’une jeune rousse assez séduisante prénommée Casey. Cette fille n’était autre qu’une simple amie qui était dans la même classe que moi et avec qui je faisais parfois quelques travaux. Ma relation avec elle s’arrêtait là mais la croisant ainsi, je me devais de l’inviter à prendre un café avec moi. C’était selon moi la moindre des choses. Nous allions pouvoir discuter de tout et de rien mais comme toujours en dehors du cadre scolaire, nous ne parlions jamais du sujet « études ». C’était ce qui me plaisait avec elle, cette manière de savoir de quoi parler et à quel moment alors non, je n’allais ma me priver de l’inviter à boire un café avec moi. Enfin c’est ce que je disais, avant d’être dans ce starbuck et de voir à travers la vitre Autumn tourner les talons. Mais non, cette fois-ci il était hors de question que je lui courre après. Elle avait envie de m’éviter ? C’était son problème, plus le mien. Déçu quand-même de ce geste, j’avais dans l’optique de la trouver plus tard pour qu’elle m’explique. Cette fille était le plus grand mystère du monde pour moi, bien que je sache la seule chose dont elle ne soit pas au courant. Un jour elle pouvait rester accrochée à moi à ne plus vouloir me lâcher que le lendemain, elle me fuyait comme la peste et me lançait les regards les plus noirs à travers ses yeux verts pourtant si attendrissants en temps normal. Comme prévu, je bus ce café en compagnie de Casey. Elle me parlait, et je tenais la conversation tant bien que mal, bien que j’avais l’esprit ailleurs. « Logan, tu m’écoutes ? » lâcha-t-elle alors que mes yeux se perdaient sur le trottoir d’en face, tenant à l’œil cette personne qui il y a une vingtaine de minutes me fuyait. Je reposai les yeux sur Casey, un peu honteux. « Désolé, je dois te laisser, j’ai quelque chose à régler. » lui dis-je en me levant et en reprenant ma veste. Je me tournai une dernière fois vers elle « Tu m’en veux ? » . Et là elle me répondit tout sourire « Non, vas donc faire ce truc importent, mais je te rappelle que tu me dois un autre café dans ce cas ! » . Je sortis du café en lui faisant un clin d’œil et un dernier signe de la main.

Enfin dehors, je me dirigeai vers le centre commercial où je l’avais vue entrer. Seulement à peine à l’intérieur, je me rendis compte à quel point cet endroit pouvait être bourré de monde et qu’il était impossible d’y retrouver quelqu’un. Pas étonnant qu’il y ait des disparitions régulièrement dans ce genre d’endroits. Ce n’est qu’en jetant un coup d’œil à l’horloge géante située dans le hall d’entrée que je me rendis compte qu’en fait, j’avais oublié que j’avais rendez-vous avec elle à onze heures. Comment avais-je pu oublier une chose pareille ? J’étais le roi des imbéciles, c’était sur, et surement qu’en me voyant avec cette fille, elle avait pensé que je l’avais remplacée pour notre rendez-vous. Il fallait désormais que je la retrouve, et au plus vite. Avait-elle finalement décidé de venir à notre rendez-vous ? Bien que légèrement à l’avance ? Je décidai premièrement de monter sur un banc, un peu en hauteur, j’aurai peut-être plus de facilité à retrouver sa trace, sauf que les passants devaient très certainement me prendre pour un idiot à la recherche d’on ne sait quoi. Enfin, je la vis trifouiller quelques habits dans un magasin un peu plus loin. Je traversai alors la foule, mettant plus de temps que je ne l’avais cru à arriver jusqu’à ce magasin. Malheureusement, elle n’était déjà plus là, et j’avais même vérifié les cabines d’essayage. A nouveau, mon regard balayait la masse de gens, à sa recherche. Surpris moi-même de la retrouver enfin au milieu des escalators dans l’optique de redescendre pour prendre la sortie la plus proche, je me mis à courir en sa direction. Je dévalai les escalators, bousculant tout le monde mais je m’en fichais, ne prenant même pas la peine de m’excuser lors de mon passage à leurs côtés. Arrivé près de la fontaine, j’étais sur que j’allais l’avoir. Ralentissant, je le pris par le bras, la forçant à enfin me faire face. « Qu’est-ce que tu veux ! » sa vois était tranchante, mais habitué, je n’allais évidemment pas m’arrêter à ça et la laisser repartir. Automatiquement, je lui répondis ahuri par sa question « Qu’est-ce que je veux ? Mais qu’est-ce que toi tu veux ?! Depuis ce matin tu n’arrêtes pas de me fuir, et ne vient pas dire que c’est de ma faute, sinon pourquoi est-ce que je te courrais après ? »

Je commençais à en avoir assez de sans cesse me retrouver devant elle et avoir à lui fournir des explications sur tous mes faits et gestes. C’est dingue comme elle ne manque pas une seule chose de ce que je fais ou encore de ce que je dis. C’en est à un tel point que parfois je me demande si elle ne me surveille pas de près. Mais je dois l’avouer, même si je ne sais pas d’où vient son engouement pour moi, ça me plait qu’elle soit si accrochée. Evidemment, elle ne le montre pas comme on le montre généralement. Mais elle a sa manière à elle, et même si on doit hausser le ton, même si ça se finit en dispute, c’est ce que j’aime chez elle. A force, je me rends compte que j’aime beaucoup trop de choses chez elle, des choses que je ne devrais pas aimer. Les choses auraient pu être plus simples, mais la vie est ainsi faite et dans ma petite vie pas si tranquille que ça, rien n’est jamais allé tout droit. Il y avait toujours, quelque part, quelque chose pour se mettre en travers de mon chemin. Je ne crains pas les autres, ils ne sont pas une menace pour moi parce que je sais que je suis capable de les écraser en toutes circonstances. Ce que je crains, ce sont les faits. Et les faits sont ce qu’ils sont, on ne pourra jamais les changer. Et la fille qui était en face de moi, celle dont j’aimais absolument tout et celle qui me tenait par le bout du nez, cette fille, c’était ma moitié. Et je n’y vois aucun mot figuré, malheureusement. Le même sang coule dans nos veines. Notre vie a commencé au même moment, au même endroit. Cette fille, c’est ma jumelle et j’aurais été heureux de l’apprendre, si seulement je n’étais pas tombé amoureux d’elle. Oui, j’étais amoureux d’elle et en ce moment même, j’avais envie de me taper la tête contre un mur, j’avais envie de disparaitre ou encore mieux, de me réveiller et de réaliser que cette réalité pourtant si frappante n’était qu’un rêve, un absurde rêve. « Je n'allais pas te déranger, tu m'avais l'air occupé. » Je sais qu’on ne croit que ce que l’on voit, alors pas étonnant que son esprit divague dans ce sens là. N’ayant toujours aucune envie de m’expliquer sur ce sujet et voyant qu’elle avait encore des tonnes de choses à dire, je la laissai parler. « Si je t'ai évité, c'est que je n'aime pas n'être qu'une tête de plus dans un agenda. Je pensais que je passais avant vu l'amitié qui nous lie malgré nos caractères difficiles et nos façons de nous rentrer dedans. Mais non en fait tu t'en fous et je passe après les minettes que tu dragues ! » et voilà, encore une chose qui me tuait. Dans un sens, cette histoire m’énervait profondément mais de l’autre, ça prouvait encore qu’elle tenait à moi. Je me raccrochais à ces signes insignifiants, persuadé que ça me ferait tenir le coup. Je vivais depuis quelques semaines avec ce secret énorme et bien que Jude me rabâche sans cesse de dire la vérité, j’étais bien décidé à ne pas aller dans ce sens-là. Je sais ça peut paraitre dingue et tordu mais pourtant je sens que si je le lui dis, plus rien ne sera comme avant, et elle ne me verra plus comme maintenant. Je ne veux pas perdre ce regard qu’elle me jette parfois en douce, ni celui qui me tuerait sur place si elle le pouvait. Je veux que tout reste comme c’est maintenant, je ne veux absolument pas que les choses changent. Et pourtant je sais qu’un jour, il faudra qu’elle soit au courant de tout ça, et je sais que le jour où elle l’apprendra, elle m’en voudra comme jamais. Alors quitte à tout perdre, autant tout perdre le plus tard possible.

Je dois l’avouer, j’avais l’esprit ailleurs, et si j’avais retenu ses premières paroles, celles qu’elle venait de prononcer venaient de m’échapper et je réalisai alors qu’elle s’en allait. Automatiquement, mes pas se portèrent vers elle. Allais-je encore la rattraper ? Il fallait croire que oui, étant donné qu’inconsciemment mon corps en avait décidé ainsi. Mais dans ma tête, je n’étais pas décidé à être tendre avec elle. Après tout, la tendresse ça ne nous va à aucun des deux. Alors qu’elle s’approchait d’un marchand de chocolats, j’ouvris enfin la bouche « Tu crois que le chocolat va tout régler ? » mais elle ne m’écoutait pas, et ayant enfin son paquet en main, elle en mangea une bouchée. « Pourquoi est-ce que ma vie t’intéresse autant dis moi ? » après tout j’avais raison, nous n’étions que des amis, libres de faire ce que nous voulions et avec qui nous voulions. « Je sais que notre amitié est loin d’être comme celle des autres, mais tu penses vraiment que tu n’es qu’une tête de plus dans mon agenda comme tu dis ? Tu crois vraiment que je vais te remplacer pour aller draguer d’autres filles ? Je n’ai donc pas le droit de prendre un café avec une amie que je rencontre sur mon chemin ? » J’avais posé beaucoup de questions, mais je me fichais royalement de leurs réponses. J’étais emporté dans mon élan, alors à quoi bon m’arrêter là ? « Tu agis comme une petite fille pourrie gâtée qui ne supporte pas que son jouet soit entre les mains d’une autre. On dirait que … » Que quoi ? Qu’elle est jalouse ? Je l’aurais bien dit, mais sa réaction aurait été des pires jamais vues. D’un revers de main, je balayai tout ça et baissai les paupières « Tu sais quoi, oublie tout ça, j’en ai assez de toujours avoir à me justifier pour des choses inutiles que tu crois voir mais qui ne le sont pas. ». C’était à mon tour de tourner les talons et de m’en aller. Pour une fois, j’avais dit stop.

Dans un sens, je regrettais de faire demi-tour ainsi. C’était comme si je ne voulais pas affronter les choses en face, comme si à mon tour, je baissais les armes et je fuyais. Et pourtant, c’était bel et bien ce que je faisais. Je ne dis pas que son comportement m’agace, loin de là, j’en ai simplement assez d’avoir à me justifier sans arrêt avec elle alors que je ne lui demandais rien. Je n’étais pas aveugle, et je savais qu’elle tournait autour de plusieurs gars. Même Pedro qui voulait rester discret m’avait dit qu’il avait rendez-vous avec elle un soir. Ils avaient des choses à se dire … Très bien, qu’ils se les disent, mais à elle d’être clair aussi. Sur ce plan là, j’étais complètement perdu. Que voulait-elle au fond ? Aimait-elle simplement être entourée et se sentir désirée voir aimée ? C’était de tous ces mystères que j’en avais assez et c’était à eux que je tournais le dos, non pas à Autumn. Donc au final, je n’avais pas à regretter mon geste. Et là, je n’avais plus qu’une seule envie : sortir d’ici, aller au parc, me trouver un banc et m’y asseoir pour y réfléchir en toute sérénité. Ces dernier temps, il fallait l’avouer, je faisais n’importe quoi et j’étais déplorable. Rien que cette situation me mettait hors de moi. Je n’avais aucun droit d’être amoureux de ma sœur jumelle, et encore pire, aucun droit de la pousser vers moi. Et pourtant c’était bel et bien ce que je faisais, j’avais même dans l’optique d’utiliser Venizia pour la rendre jalouse et qu’encore une fois, elle sorte de ses gonds. Ça avait déjà fonctionné sans que je ne le veuille avec Casey, cette fameuse rousse, alors je n’ose même pas imaginer sa réaction face à cette démoniaque italienne. Je jouais avec le feu ? Certainement, mais n’étais-ce pas comme ça que je l’aimais ? Une fois tendre et la seconde d’après qu’elle soit hors d’elle ? Le pari était risqué, mais le jeu en valait la chandelle. Mais de ce qu’elle venait de dire, j’avais quand-même retenu une chose. Pour la première fois, elle avait dit tout haut qu’elle tenait à moi. Et ce sont souvent les choses qui sortent naturellement qui reflètent la réalité. Dos tourné à elle, un léger sourire s’inscrivait au coin de mes lèvres, le genre de sourire triomphant mais dissimulé.

Alors que je m’apprêtais réellement à quitter cet endroit, une main légère et douce se referma sur mon bras avec assez de force pour me stopper. Je fermai un instant les yeux, d’une part agacé, de l’autre jouissif à l’idée qu’elle aussi ne veuille pas que je parte. C’est alors que se produit le phénomène Autumn. Je ne sais pas si ce n’est qu’avec moi qu’elle réagit comme ça, mais ça arrive en tout cas fréquemment en ma compagnie. « Mange et étouffe toi avec. » me dit-elle alors qu’elle me mettait le bout de chocolat en pleine bouche. Je ne pus m’empêcher de laisser un léger rire s’échapper après l’avoir avalé. Un moment de tendresse était de mise, et j’en profitai tant qu’il était encore temps. La serrer contre moi était le signe de la plus belle des journées. Avec le temps je m’étais attaché à son sourire, ses prunelles, son corps tout entier et son odeur et dans des moments pareils, tout le reste, toutes nos tentions disparaissaient. « Tu me dois un verre. Tu peux au moins faire ça pour moi. A moins que tu ais quelque chose de plus important à faire que de rester avec moi.» A nouveau, un rire m’échappa. Je me défis d’elle, passant ensuite mon bras au-dessus de ses épaules, l’emmenant vers l’un des café les meilleur de la ville. « Encore une personne à qui je dois un verre. Parce que je te rappelle que j’ai abandonné une amie pour toi et qu’elle a également réclamé son dû. » Je lui souris, elle aussi, et nous nous dirigions vers une table de libre.